ascension de Mohamed

Un simple verset (17 :1), dans une séquence parlant de Moïse, nous apprend qu’un serviteur de dieu, dont le nom est entre parenthèses, ajouté par les traducteurs,  a voyagé de nuit et a vu les merveilles de dieu. Cela a donné naissance à une littérature post coranique abondante justifiant le dogme du coran éternel incréé.

Certes Mohamed n’était pas au flanc du Mont Tor quand dieu a appelé Moïse (28 :46), mais Mohamed aussi a vu « le grand signe de son seigneur » (17 :1, 53 :18). Le lieu béni, où Moïse vit les signes de dieu (le buisson ardent et le bâton transformé en serpent), c’est le val sacré au pied du mont (28 :30, 79 :20) où pousse l’arbre sacré, l’olivier, produisant l’huile qui éclaire le monde (28 :30, 24 :35), l’olivier remplace le buisson ardent (le feu étant dans le coran associé au diable et à l’enfer)  et d’où dieu lui dit ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte (20 :12, exode 3 :5). Jaqueline Chabbi, dans le coran décrypté, y voit le « lieu de prosternation le plus éloigné », et non la mosquée la plus éloignée (17 :1) (mais rien d’autre n’appuie cette hypothèse d’une qibla judaïsante primitive à la place de celle de Jérusalem). Le mot mosquée n’a en effet pas de sens au début de la prédication de Mohamed et celle de Jérusalem (retenue par les commentateurs pour « la mosquée la plus éloignée ») n’existait pas, par contre il est symbolique que Mohamed, au début de son parcours prophétique, cherche à rejoindre le lieu d’initiation de Moïse. La suite de la sourate 17 parle de Moïse sur le mont Sinaï : Moïse a reçu la mission de faire sortir son peuple d’Egypte sur le mont Tor et le livre de la loi sur le mont Sinaï, Mohamed fusionne les deux monts et reçoit la parole d’Allah, le coran, à transmettre à sa tribu d’abord, et au monde ensuite.

Au centre de la mosquée du rocher à Jérusalem ([1]) se trouve une inscription portant une profession de foi islamique certes, mais avant tout antichrétienne. Jérusalem est le 3ème lieu saint de l’islam (après la Mecque et Médine) mais pourtant ce serait la première qibla. Le rocher, c’est le lieu du sacrifice d’Abraham, et c’est là que, dans un pastiche de l’élévation de Moïse ([2]) dans la nuée au sommet du Sinaï pour recevoir la torah (exode 24:18), Mohamed fut transporté sur le cheval Buraq ([3]) depuis la Mecque avant de s’élever aux cieux pour y rencontrer les différents prophètes et dieu, chacun dans son ciel, et y recevoir la révélation du coran préexistant, éternel ([4]). Mais il l’a oublié en revenant sur terre si bien que Gabriel a du le lui dicter verset par verset sur une durée de 23 ans.

Le prélude intérieur, louant Allah le miséricordieux, est composé de citations partielles  et constitue sans doute une chahada primitive sans puis avec mention du prophète (il n’y a pas de dieu que dieu, et il n’a pas d’associé), s’opposant aux inscriptions des linteaux de portes syriaques : dieu est un et le christ est dieu ([5]).  L’inscription est ensuite la proclamation de la polémique à la base du coran contre les chrétiens en affirmant que Jésus n’est qu’un prophète, et que les juifs ont eu tort de ne pas le respecter.

« Au nom de dieu, le bienfaiteur miséricordieux, il n’y a pas de dieu que dieu, il n’a pas d’associé, A lui la royauté, à lui la louange (64 :1), il fait vivre et mourir, sur toute chose il est omnipotent (57 :2). Mohamed est le serviteur de dieu et son prophète. O vous qui croyez ! priez sur le prophète et  appelez sur lui le salut (33 :56). Dieu prie sur lui, le salut soit sur lui, et la miséricorde de dieu.
Ô gens du livre, n’exagérez pas dans votre religion, et ne dites d’Allah que la vérité. Le messie Isa, fils de Marie, n’est qu’un messager d’Allah, son verbe qu’il envoya à Marie, est un souffle (de vie) venant de lui. Et ne dites pas « Trois ». Cessez! Ce sera meilleur pour vous. Allah n’est qu’un Dieu unique. Il est trop glorieux pour avoir un enfant. C’est à lui qu’appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre et Allah suffit comme protecteur. Jamais le messie ne trouve indigne d’être un serviteur d’Allah, ni les anges rapprochés [de lui]. Et ceux qui trouvent indigne de l’adorer et s’enflent d’orgueil… Il les rassemblera tous vers Lui. (4 :171,172)
O mon dieu, prie sur ton messager et ton serviteur, Issa fils de Marie, et que la paix soit sur lui le jour où il naquit, le jour où il mourra, et le jour où il sera ressuscité vivant. Tel est Issa, fils de Marie : parole de vérité, pour laquelle vous vous querellez.  Il ne convient pas à Allah de s’attribuer un fils. Gloire à lui! Quand il décide d’une chose, Il dit seulement : « Soit!  et elle est ». (19 :33-36)
Allah est mon seigneur tout comme votre seigneur. Adorez-le donc. Voilà un droit chemin. (43 :64)
 Allah atteste, et aussi les anges et les doués de science, qu’il n’y a point de divinité à part lui, le mainteneur de la justice. Point de divinité à part lui, le puissant, le sage! La religion acceptée d’Allah, c’est l’islam. Ceux auxquels le livre a été apporté ne se sont disputés, par agressivité entre eux, qu’après avoir reçu la science. Et quiconque ne croit pas aux signes d’Allah… alors Allah est prompt à demander compte! » (3:18-19)

L’inscription extérieure, faisant référence à ce voyage nocturne, date de 1552, elle cite le verset : Gloire et Pureté à celui qui de nuit, fit voyager son serviteur, de la Mosquée Al-Haram à la Mosquée Al-Aqsa dont nous avons béni l’alentours, afin de lui faire voir certaines de nos merveilles (17:1 ). La sourate dit exactement de la mosquée sacrée à la mosquée la plus éloigné. La rime « an »  manquante au 1er verset démontre que ce passage est une insertion, en fait, il s’agit de Moïse, comme dans les versets suivants. D’ailleurs, avant de s’appeler « le voyage nocturne », la sourate s’appelait « les fils d’Israël », et le premier verset qui parle tantôt à la première personne, tantôt à la troisième, est une insertion tardive, postérieure à l’édification de la mosquée. Ce n’est que dans un hadith de Bukhari (3887) que l’on comprend que cette visite aux cieux a pour but de présenter le coran incréé, éternel que Allah garde près de lui, affirmation essentielle de l’islam qui n’est donc pas dans le coran ! Ce même hadith fondamental ajoute qu’au cours de cette ascension Mohamed se vit d’abord imposer par Allah 50 prières par jour pour lui et son peuple. Puis, trouvant ce nombre trop élevé, Moise le poussa à négocier avec Allah, qui retira d’abord 10 prières, et ce n’est qu’au bout de cinq aller et retour entre le ciel de Moïse et celui d’Allah qu’Allah concéda cinq prières par jour. Le coran, lui, ne mentionne que 4 prières : Glorifiez Allah donc, soir et matin! A Lui toute louange dans les cieux et la terre, dans l’après-midi et au milieu de la journée. » (30 :17-18) Le hadith serait donc plus fiable que le coran n’est clair, au point de l’abroger ?

L’inscription intérieure du dôme, datant de la construction, ne fait pas référence à cette ascension, alors qu’elle se présente comme le manifeste islamique de la révélation faite justement lors de cette ascension. La construction de la mosquée et la légende de l’ascension de Mohamed fait partie de la volonté des premiers califes d’islamiser Jérusalem, de justifier la première orientation de la prière (la qibla), vers Jérusalem, ville qui sans cela n’aurait que peu d’intérêt pour l’islam et d’affirmer la croyance au coran incréé et éternel.

Suite : La clef de lecture
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[1] construite vers 692 sur un plan semblable à celui du saint sépulcre est, elle aussi, bâtie sur un rocher émergent ; elle était destinée à magnifier l’islam triomphant face aux chrétiens et aux juifs. Plusieurs sources évoquent un détournement du pèlerinage de la Mecque, occupée alors par Zubayr un rival d’Abd al Malik, et qui a été défait en 692.

[2] Ce thème de la visite au ciel vient du zoroastrisme : les prêtres zoroastriens sentaient que leur foi faiblissait et ils avaient envoyé Arta Viraf au ciel pour découvrir ce qui s’y passait. Arta monta d’un ciel à l’autre et finalement revint sur terre pour raconter à son peuple ce qu’il avait vu : « Notre première ascension nous mena au paradis inférieur […] et là nous vîmes des anges resplendissants de lumière. Et je demandais à Sarosh le saint et Azar l’ange : «Quel est cet endroit, et ceux-là, qui sont-ils ?» [Il est ensuite dit que Arta de la même façon monte aux second et troisième cieux]. Se levant d’un trône recouvert d’or, l’archange Bahman me conduisit, jusqu’à ce que nous rencontrâmes Ormuzd entouré d’une compagnie d’anges et de puissances célestes, si brillamment couverts d’or que jamais je n’avais vu quelque chose de comparable auparavant. Mon guide dit : «Voici Ohrmazd.» Je lui fit mes salutations et il répondit qu’il était heureux de m’accueillir dans ce monde immaculé […] Finalement, dit Arta, mon guide et l’ange du feu m’ayant fait visiter le paradis, ils me firent descendre en enfer et de cet endroit noir et épouvantable me portèrent dans un lieu magnifique où se tenait Ohrmazd et sa compagnie d’anges. Je désirais le saluer, sur quoi il dit gracieusement : «Arta Viraf, va dans le monde matériel, tu as vu et maintenant tu connais Ohrmazd, car je suis lui. Celui qui est droit et vertueux, lui, je le connais

Bouddha et Mani firent eux aussi plusieurs voyages célestes, et Jacob grâce à son échelle put voir dieu (genèse 28 :11).

[3] Buraq rappelle le cheval ailé avec qui le dieu sumérien de la lune (sin / nanna) se déplace. Dans les livres hindous, Kalki Autar, le messager de la fin des temps, sera doté d’un cheval parmi les plus rapides au moyen duquel il parcourra le monde d’un éclair et franchira les sept cieux.

[4] La mosquée al Aqsa de Jérusalem (al aqsa signifie « la plus éloignée » de la kaaba à la Mecque et al haram signifie « sacrée ») a été construite après 710, 90 ans après Mohamed, et le coran la cite quand même à cette occasion ! Le mythe du voyage céleste a donc été rajouté pour clore les débats sur la nature du coran créé ou éternel, et l’oubli de la révélation était nécessaire pour conserver la révélation graduelle.

[5] La source de ces expressions est l’ancien testament (deut 32 :39, isaïe 44 :6 et  « Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre – Il n’y a point d’autre Dieu que moi, Je suis le seul Dieu juste et qui sauve » (isaïe 45 : 5,21) ) à laquelle s’ajoute la référence à Jésus ou Mohamed.

Dans les Homélies pseudoclémentine 16 :7-9   Pierre dit : « Je témoigne de ce que dieu est un et il n’y a pas de dieu excepté lui. Il n’est qu’un seul dieu et le christ est dieu » formulation classique chez les premiers chrétiens et reprise quasiment mot pour mot dans la chahada !

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