les premiers chrétiens

La première communauté chrétienne

Dans les évangiles et les actes des apôtres, Jésus est plusieurs fois appelé Jésus le nazaréen ([1]) en particulier sur l’écriteau placé, en trois langues, au-dessus de sa croix (Jean 19 :19 ).

David Belhassen donne une explication intéressante : « Nazaréen » n’a aucun lien avec la ville de Nazareth, mais vient de la racine hébraïque NTsR qui signifie « garder », « défendre » et appliqué à Jésus, cela signifie qu’il est « gardien de l’alliance » et alors l’inscription en hébreu, grec et latin au-dessus de sa croix prend tout son sens symbolique en hébreu, la langue des premiers recueils de l’évangile :
Hébreu : Yeshoua Hanotsri Wemelekh Hayehoudim = Jésus le gardien (de l’alliance) et le roi des juifs) ce qui donne YHWH, le tétragramme divin !
Latin : IESUS NAZARENUS REX IUDAEORUM, ce qui donne INRI
Grec : IESOUS NAZORAIOS BASILEUS TON IOUDAION,

La première communauté judéo-chrétienne de Jérusalem, dirigée par Jacques le juste et Pierre, garde ce nom. Ils sont juifs, lisent et écrivent des textes en hébreux, langue des scribes, et les commentent en araméen, langue du petit peuple. Bientôt se joignent à eux des juifs hellénistes, écrivant et parlant grec, et qui prennent leur autonomie sous la direction d’Etienne. Très tôt, un premier recueil de récits sur Jésus est écrit en hébreu puis traduit en grec. Les pères de l’église parlent de cet évangile des hébreux, que l’on ne connait que par les quelques citations qu’ils en font. La persécution des hellénistes par les pharisiens (Etienne est lapidé en 36) entraine une émigration, qui propage la bonne nouvelle aux juifs de la diaspora et aux païens, sous l’action de Pierre puis de Paul. Leur entourage à Césarée et à Antioche consolide alors le premier recueil [[2]]. Très vite en effet se pose la question de l’observance des prescriptions juives et en particulier de la circoncision. Réunis à Jérusalem, Pierre et Paul en viennent à un compromis : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d’autres charges que celles-ci, qui sont indispensables : vous abstenir des viandes immolées aux idoles, du sang, des chairs étouffées et des unions illégitimes. Vous ferez bien de vous en garder. Adieu. » Mais cette décision est cause de souffrance pour ceux qui veulent continuer à observer fidèlement la thora. L’épitre de Paul aux galates, qui voulaient se faire circoncire, montre une trace de ces conflits entre le souhait d’observer la loi et la reconnaissance de la puissance de la foi : « sachant que ce n’est pas par les œuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus Christ, nous aussi nous avons cru en Jésus Christ, afin d’être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la loi, parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi ». (galates 2 :16)

C’est à Antioche que, pour la première fois, le nom de chrétiens est donné aux disciples païens de Jésus, (Actes, 11: 19-26). Parallèlement, la tradition orale des commentaires des sages sur la thorah est mise par écrit dans le talmud entre le 1er et le 2ème siècle. Ainsi l’islam reproche aux juifs d’accepter ce texte non révélé, de même qu’il reproche aux chrétiens d’accepter les lettres de Paul parmi leurs textes inspirés : « Malheur, donc, à ceux qui de leurs propres mains composent un livre puis le présentent comme venant d’Allah pour en tirer un vil profit! – Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit, et malheur à eux à cause de ce qu’ils en profitent! » (2 :79)

C’est vers 62 que les autorités judaïques font savoir à l’empereur que les chrétiens ne sont plus à considérer comme juifs, et donc qu‘ils ne doivent plus bénéficier du privilège de religion licite, d’où les persécutions romaines de Néron.

En 66 éclate contre les romains une révolte juive menée par les zélotes, observateurs fidèles de la loi juive. Peu avant la destruction du temple qui s’en suit en 70, une vague d’émigration conduit les juifs et les chrétiens au-delà du Jourdain, en Syrie, à Alexandrie et même en Arabie. Ainsi, les homélies pseudo clémentines, écrites en Syrie vers 250 après JC, font dire à Pierre : «Or voici ce qui plaît à dieu : le prier ; lui demander ce dont on a besoin comme à celui qui donne tout avec discernement ; s’abstenir de la table des démons [sacrifices] ; ne pas goûter d‘une chair [trouvée] morte ; ne pas toucher au sang ; se purifier par des ablutions après toute souillure. Le reste se résume en un mot : les préceptes donnés aux juifs, qui honorent dieu, conformez-vous-y tous, vous aussi vous faisant, dans des corps nombreux, un seul et même esprit. Les biens que chacun désire pour soi-même, qu’il les souhaite également au prochain. Le moyen, pour chacun de vous, de concevoir le bien, c’est de se dire à soi-même : tu ne veux pas être tué, ne tue personne. Tu ne veux pas que ta femme soit séduite par un autre : ne commets pas toi-même l’adultère avec l’épouse d’un autre. Tu ne veux pas être volé : ne vole rien aux autres ». (Clémentines 7 :4) et, comme dans (Mathieu 25 :35-45) : «  voici donc comment il faut rendre honneur à l’image de dieu, c’est-à-dire à l’homme : donner à manger à celui qui a faim, à boire à celui qui a soif, un vêtement à celui qui est nu, des soins au malade, un toit à l’étranger, visiter celui qui est en prison et le secourir dans la mesure du possible ». (Clémentines 11 :4)

Irénée (120-202), Origène (185-253), Eusèbe (263-339), et saint Jérôme (347-420) parlent des doctrines des ébionites et des nazaréens (ou nazoréens) comme d’hérésies, mais les distinctions qu’ils en donnent sont floues. La seule chose commune à toutes les descriptions, c’est qu’ils sont juifs, respectent la loi juive et la circoncision, et croient en Jésus le messie. Certains croient que Jésus est fils de dieu et d’autres croient qu’il n’est qu’un homme, non divin, certains croient en la virginité de Marie, d’autres non.

Le message de Jésus aux juifs est en train de se transmettre aux païens. Plusieurs conciles sont nécessaires pour rejeter ces interprétations divergentes, préciser la nature de la personne de Jésus, et formaliser le dogme de la trinité : en 325 le concile de Nicée proclame la profession de foi du crédo et rejette l’arianisme qui disait que le christ a été créé par dieu et n’existe donc pas de toute éternité ; en 381, le 1er concile de Constantinople complète le crédo ; en 431 le concile d’Ephèse rejette le nestorianisme qui admet deux natures dans le christ, l’une divine et une humaine. L’homme seul ayant souffert la passion ; en 451 le concile de Chalcédoine proclame l’union des deux natures de Jésus et rejette le monophysisme, qui ne reconnait que la nature divine de jésus ; en 557 le 2ème concile de Constantinople rejette la divinisation de Marie.

Les nazaréens développaient également l’idée que les prophètes étaient des modèles très saints et que peu de temps après sa révélation, la loi mise par écrit avait accueilli certains ajouts et des mensonges hostiles au dieu unique créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’il contiennent, le mauvais avait eu l’audace d’en être l’exécuteur : « Les écritures mentent quand elles disent qu’il [dieu] ignore et elles sont dans le vrai quand elles disent qu’il connait. Si donc dans les écritures, certaines choses sont vraies et certaines autres fausses, notre maître avait raison de nous dire : « soyez des changeurs à toute épreuve », faisant allusion aux paroles de l’écriture dont les unes sont de bon aloi, les autres de mauvais aloi. A ceux aussi que les écritures fausses avaient jetés hors du droit chemin, il a bien fait voir la cause de leur erreur quand il leur a dit : « vous vous trompez parceque vous ne savez pas ce qui est vrai dans les écritures. C’est avec raison qu’allant au devant des sentiments impies, je ne crois rien de ce qui est contraire à dieu ou aux justes qui sont mentionnés dans la loi. J’en suis persuadé Adam ne commettait pas de péché, lui qui fut conçu par les mains de dieu ; Noë ne s’enivrait pas, lui qui a été trouvé l’homme le plus juste du monde entier ; Abraham n’a pas eu trois épouses en même temps, lui à qui sa chasteté a mérité de devenir le père d’une nombreuse postérité, Jacob n’a pas eu commerce avec quatre femmes, dont deux même étaient sœurs, lui qui est devenu père de douze tribus et a annoncé la venue future de notre maître ; Moïse n’était pas un meurtrier et ce n’est pas auprès d’un prêtre des idoles qu’il apprenait à juger, lui qui a été le prophète de la loi de dieu pour le monde entier ». (Clémentines 2 :50-52) Cette idée a été reprise par l’islam, qui rejette le péché originel, présente Mahomet comme un modèle parfait et affirme que les juifs ont falsifié la bible.

Suite : Les nazaréens

[1] : Mathieu 2 :23 et 26 :71 marc 14 :67 et actes 24 :5 2,22 ; 3,6 ; 4,10 ; 22,8 ; 26,9

la racine hébraïque nazir / nazur, signifie « celui qui s’est voué», mais ce n’est pas la même racine que Nazareth.

[2]Chacun des auteurs des trois évangiles synoptiques puisent visiblement certains épisodes d’une source commune (qui pourrait être soit l’un d’eux, soit l’évangile des hébreux soit ce que les exégètes appellent la source Q), dont ils respectent l’ordre des séquences et le vocabulaire, en y incorporant des épisodes de leurs propres sources (Pierre, Jean, …). S’adressant aux païens, ils explicitent les pratiques juives, détaillent les citations de l’ancien testament, mais surtout ils insistent sur l’aspect universel du message adressé à toutes les nations et sur les reproches faits aux pharisiens qui veulent le restreindre aux juifs respectant la thora. Les évangiles et les actes des apôtres, selon les différentes théories de datation, ont été écrits entre 60 et 100.

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