les nazaréens de Syrie

Les nazaréens de Syrie et les qoréchites

En Syrie, se retrouve un groupe de juifs chrétiens, qui, comme de nombreux groupes juifs messianistes précédents, « émigrés », pleurent sur Jérusalem dévasté, lisent les prophètes qui annoncent la reconquête de Jérusalem, le rétablissement du temple, la défaite des fils des ténèbres et l’établissement du royaume de dieu sur le monde entier. Jérusalem, si je t’oublie, que ma droite se dessèche ! (psaume 137 :5) Ils se disent nazaréens (gardiens de l’alliance), et attendent le retour du messie Jésus. Ce messie, comme annoncé par les prophètes, est le fils d’une vierge, mais il n’est qu’un homme, et s’il est bien au ciel, auprès de dieu, il y a été élevé, sans passer par la mort ni la résurrection, un autre a été crucifié à sa place quand les juifs l’ont refusé ([1]).

Les Juifs et les chrétiens partagent plusieurs croyances sur la fin du monde et les nazaréens tout particulièrement attendent la reconquête de Jérusalem et la reconstruction du temple, la venue d’Elie « Voici que moi je vous envoie le prophète Elie avant que ne vienne le Jour du Seigneur, jour grand et redoutable » (Malachie 4 :5) et les signes terrifiants de l’heure : la coalition des impies dirigés par l’antéchrist. Le messie [2] reviendra alors du ciel pour le combat final entre la lumière et les ténèbres, apportant le salut à Israël et aux justes de toutes les nations. Le monde sera alors renouvelé par les hommes en son nom, le messie, roi guerrier, étendant sa domination sur le monde et la Jérusalem céleste descendue du ciel  (apocalypse 21 :10) et les justes ressuscités, pendant 40 ans (ou 1000 ans) de paix et d’accomplissement des promesses (apocalypse 20 :2-8), à la suite de quoi le messie mourra et sera ressuscité comme les autres hommes pour le jour du jugement (4ème livre d’Esdras 7 :28-31).

« Car nous professons aussi qu’un royaume nous a été promis sur la terre, mais avant le ciel, mais dans un autre état, parceque venant après la résurrection, pour mille ans, dans une cité produite par l’œuvre divine, la Jérusalem descendue du ciel […] Voilà la cité que nous affirmons prévue par Dieu pour accueillir les saints à la résurrection et pour les choyer dans l’abondance de toutes sortes de biens, évidemment spirituels, en compensation de ceux que nous avons méprisés ou perdus en ce monde ; car il est tout à la fois juste et digne de Dieu que ses serviteurs exultent ici-bas également, là où ils ont été affligés en son nom. » (Tertullien, Contre Marcion, III, 24, 3-4, 5-6)

Dans le temps des rois, le dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et qui ne passera point sous la domination d’un autre peuple; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même subsistera éternellement. (Daniel 2 :44)

Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un fils d’homme ; il arriva jusqu’au vieillard, et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous les peuples, nations et langues le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera jamais détruite. (Daniel 7 :13-14)

Plusieurs versets du coran font référence aux juifs, le peuple élu  2 :47,121,122 7 :140 5 :21 montrant bien par là ses sources judaïques. Cette notion de « peuple élu », que dieu aime plus que tous les peuples de la terre sera bientôt transformé en l’oumma, la meilleure communauté,

Les nazaréens de Syrie ont fortement influencé la tribu du prophète de l’islam, les qoréchites ([3]), et l’islamisme reprend tous leurs thèmes, puis, depuis l’hégire, il comprend le christianisme comme une falsification de l’évangile, une « association » de dieux, donc un polythéisme, la trinité étant faussement vue comme dieu le père, Marie la mère, et Jésus le fils et non dieu, Jésus et le saint esprit en une seule personne ([4]). Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d’Allah? » (5 :116). Pourquoi dieu pose-t-il la question ? il ne sait pas que c’est faux ?

D’autres versets attestent de la proximité des nazaréens avec Mohamed : Tu trouveras certainement que les Juifs et les associateurs ([5]) sont les ennemis les plus acharnés des croyants. Et tu trouveras certes que les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent : « Nous sommes nazaréens. » C’est qu’il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil. (5 :82) Les associateurs (mušrikûn) sont les chrétiens, croyant à la trinité, et le mot chrétien est employé à tord par les traducteurs modernes à la place du mot original nazaréen ([6]). Les traducteurs modernes ne conservent, pour éviter une incohérence, que deux mentions des nazaréens ([7]).

D’autres versets confirment qu’il y a parmi les gens du livre des justes, mais sans citer explicitement les nazaréens  : Il est, parmi les gens du livre, une communauté droite qui, aux heures de la nuit, récite les versets d’Allah en se prosternant. Ils croient en Allah et au jour dernier, ordonnent le convenable, interdisent le blâmable et concourent aux bonnes œuvres. Ceux-là sont parmi les gens de bien. (3 :110  et 5 :66)

Les premiers conquérants arabes n’étaient donc pas des musulmans dans le sens actuel du terme, ils professaient une croyance très proche du judaïsme et s’étaient même alliés avec ces juifs. Leur objectif initial était la restitution par la force de la terre promise à Abraham. Ces conquérants n’étaient pas originaires de La Mecque, qui n’existait pas du temps du prophète, ils ne venaient pas du centre de l’Arabie mais de territoires limitrophes de la Judée et de la Syrie (de nombreux hadiths les montrent y faisant du commerce), ils y avaient été instruits de la bible et de l’évangile par les nazaréens, dont la langue était syro-araméenne [8].

Khadija ([9]), la première femme de Mohamed, était cousine d’un prêtre nazaréen, Waraqa ([10]), qui a béni son mariage, et dont le commentateur Al-Bukhari (mort en 870) dit : « Cet homme, qui était cousin de Kadidja du côté de son père avait embrassé le nazaréisme avant l’apparition de l’islam. Il savait écrire l’hébreu et avait copié en hébreu toute la partie de l’évangile que dieu avait voulu qu’il transcrivît ». Un autre dit que « le prêtre Waraqa écrivait le livre arabe ». La sira d’Ibn Hisam rapporte que « Il était devenu nazaréen et avait suivi les livres et appris les sciences des hommes… Il était tellement connaisseur du nazaréisme. Il a fréquenté les livres des nazaréens, jusqu’à les connaître comme les gens du livre. Il a vraisemblablement traduit l’évangile d’hébreu en arabe ([11]).  Waraqa n’est pas le seul nazaréen cité par les commentaires musulmans dans l’entourage de Mohamed, Al Yaqubi dit « Parmi les arabes qui sont devenus nazaréens, il y a un groupe de Qurays (Qoréchite)  … parmi lesquels Waraqa …» qui serait donc non pas un juif mais un arabe converti au nazaréisme. Le coran fait allusion à son existence :  Et Nous savons parfaitement qu’ils disent : « Ce n’est qu’un être humain qui lui enseigne (le Coran) ». Or, la langue de celui auquel ils font allusion est étrangère [non arabe], et celle-ci est une langue arabe bien claire. (16 :103)

La tradition musulmane parle aussi d’un moine nommé Bahira, qui reconnut en Mohamed enfant un prophète par un signe dans son dos  ([12]). Tabari évoque les contacts de Mohamed avec lui : « Mohammad allait à Damas en s’accompagnant d’Aboutaléb et de la caravane de Quoriche pour faire du commerce. La caravane est arrivée à Bosrâi de Damas et y rencontra un prêtre nommé Bahira. Ce dernier était un prêtre savant qui était constamment au couvent, où l’on apprenait tout son savoir à propos d’un livre. Bohira interrogea le Prophète (Mohammad) sur certaines choses… le Prophète lui donna des réponses, toutes conformes aux caractères que Bohira avait pressentis. Bohira dit à Aboutaléb : Amène-le (Mohammad), chez lui, et méfie-toi de l’attitude des Juifs à son égard, car s’ils l’aperçoivent, et qu’ils savent ce que j’ai su de lui, ils le léseraient, car il a un grand avenir ; amène-le chez lui le plus tôt possible. »

On trouve enfin mention d’un secrétaire de Mohamed, décrit comme un juif de Yatrib ([13]) : Zayd Ibn Tabit, et on mentionne aussi que plus tard Omar le chargea de collecter les feuillets du coran.

Al Bukhari a encore cette parole à la fois énigmatique et révélatrice : « Lorsque Waraqa est décédé, la révélation s’est tarie ». Autrement dit, on peut penser que la 1ère partie du coran (les versets mecquois) ont été écrits par Waraqa, et la suite (les versets médinois) par Mohamed (et les califes).

Une « Sourate » c’est un cantique, une section d’un lectionnaire destiné à être lu en public et les tous premiers feuillets du coran apparaissent comme inspirés d’un lectionnaire syro-araméens, contenant des hymnes et des traductions en arabe d’extraits de la bible et de l’évangile, utilisés dans les services rituels chrétiens, dans une intention missionnaire. Il ne s’agissait pas d’inaugurer une nouvelle religion, mais d’en répandre une plus ancienne.

Suite : les zoroastriens

[1] Certains textes apocryphes disent que c’est Judas qui a été crucifié, d’autres que c’est Simon de Cyrène, d’autre que c’est une espèce de double virtuel (actes de Jean, 2ème traité du grand Seth, apocalypse copte de Pierre).

[2] Pour les musulmans, c’est le mahdi qui viendra mener les hommes à la grande guerre des justes contre les injustes, Jésus reviendra également (et bizarrement pas Mohamed, le plus grand des prophètes) mais uniquement pour l’assister. Visiblement le mahdi éclipse et remplace Jésus. Charles de Foucauld explique : « Tout Musulman croit qu’à l’approche du Jugement dernier le Mahdi surviendra, déclarera la guerre sainte et établira l’Islam par toute la terre, après avoir exterminé ou subjugué tous les non-Musulmans. Dans cette foi, le Musulman regarde l’Islam comme sa vraie patrie et les peuples non musulmans comme destinés à être tôt ou tard subjugués par lui, Musulman, ou ses descendants; s’il est soumis à une nation non musulmane, c’est une épreuve passagère; sa foi l’assure qu’il en sortira et triomphera à son tour de ceux auxquels il est maintenant assujetti ; la sagesse l’engage à subir avec calme son épreuve […] D’une façon générale, sauf exception, tant qu’ils seront Musulmans, ils ne seront pas Français, ils attendront plus ou moins patiemment le jour du Mahdi, en lequel ils soumettront la France. »

[3] Une sourate du coran parle d’eux comme de monothéistes : A cause du pacte des Qoraïsh, de leur pacte [concernant] les voyages d’hiver et d’été. Qu’ils adorent donc le seigneur de cette maison (la Kaaba) qui les a nourris contre la faim et rassurés de la crainte! (106 :1-4) D’ailleurs le père de Mohamed s’appelait Abd Allah !

[4] En hébreu et en araméen, l’esprit était féminin, et l’esprit de dieu est naturellement devenu la mère. Ainsi Origène et saint Jérôme indépendamment citent ce verset tiré de l’Evangile des hébreux : « Le Sauveur a dit : il y a un instant, ma Mère, qui est l’Esprit Saint, m’a enlevé par un de mes cheveux, et m’a transporté sur la grande montagne du Tabor. » D’où la confusion commise par le rédacteur du coran avec Marie, la mère de Jésus.

[5] Jean de Damas (692-796) explique : Ils nous appellent associateurs parce que, disent-ils, nous introduisons à côté de Dieu un associé lorsque nous disons que le Christ est fils de Dieu et Dieu. Nous leur disons : c’est ce que les prophètes et l’écriture nous ont transmis. Vous aussi, ainsi que vous l’affirmez, vous acceptez les prophètes. Et si nous disons, contrairement à vous, que le Christ est fils de Dieu, ce sont eux qui nous l’ont enseigné et qui nous l’ont transmis. Certains d’entre eux disent que nous avons ajouté cela aux prophètes, en les interprétant de façon allégorique, et d’autres que les hébreux, par haine, nous ont égarés en attribuant ces textes aux prophètes, pour nous perdre. Nous leur disons encore : Puisque que vous affirmez que le Christ est la Parole et l’Esprit de Dieu, comment donc pouvez-vous nous taxer d’associateurs. Car la Parole et l’Esprit sont inséparables de celui en qui tout cela a son origine. Si donc, la parole est en Dieu, il est évident qu’elle est Dieu également. Si d’autre part, elle est en dehors de Dieu, alors Dieu, d’après vous, est sans Parole et sans Esprit. Ainsi donc en essayant de ne pas mettre d’associés auprès de Dieu, vous avez mutilé Dieu. Car il eût été avantageux pour vous de dire que Dieu a un associé, plutôt que de le mutiler et de le présenter de la même manière qu’on le ferait pour une pierre, du bois ou tout autre objet inanimé. C’est ainsi que vous nous appelez  » Associateurs « . à tort : nous par contre vous appelons  » Mutilateurs  » (koptas) de Dieu

[6] Les parenthèses ajoutées par les traducteurs au verset suivant 5 :83 en changent le sens Et quand ils entendent ce qui a été descendu sur le Messager [Muhammad], tu vois leurs yeux déborder de larmes, parce qu’ils ont reconnu la vérité. Ils disent : « Ô notre Seigneur! Nous croyons : inscris-nous donc parmi ceux qui témoignent (de la véracité du Coran). Il s’agit encore de Jésus et de l’évangile, pas de Muhammad et du coran

La même sourate dit aussi Croyants, ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens (5:51), mais cela est contradictoire avec Les plus disposés à aimer les croyants sont ceux qui disent : nous sommes chrétiens (5 :82), où là il faudrait bien traduire le même mot nazara par nazaréen pour conserver un peu de logique, à moins que le « et les chrétiens » et la suite n’ai été rajouté.

[7] En fait le mot nazara est utilisé 14 fois dans le coran, dont 10 fois dans l’expression « les juifs et/ou les chrétiens » (2:111, 2 :113, 2:120, 2:135,  2 :140, 3 :67, 5 :18, 5 :14, 5 :51, 9 :30) et dans ces 10 cas, il faut bien le traduire par « chrétien », ce sont des ajouts anti chrétiens, et 4 fois où il faudrait le traduire par nazaréen (5 :82, 5 :69, 2 :62, 22 :17) puisque les nazaréens sont valorisés et que les chrétiens sont maudits comme étant associateurs, le pire des crimes. Mais dans l’original arabe, il n’y a qu’un seul mot : nazara, censé designer, aujourd’hui, les chrétiens, et il y a donc contradiction, et parfois dans la même sourate (5 et 2) !

[8]Voir https://web.archive.org/web/20160112084859/http://www.asraralislam.com/Les%20secrets%20de%20l’islam/le_coran_arameen.html

[9] Les commentaires font d’elle une riche marchande, et plutôt une juive, nazaréenne qu’une nomade, arabe.

[10] Joseph Azzi, alias al hariri, a publié un livre le prêtre et le prophète où il recense tous les commentaires concernant Waraqa.

[11] L’évangile dit des hébreux n’est connu que par quelques citations par les pères de l’église, qui le disent proche de celui de saint Mathieu, de même celui des ébionites, en araméen.

[12] cette épisode rappelle Siméon qui lui aussi recevant Jésus enfant, prophétise sur son avenir

[13] La tradition dit que Zayd connaissait l’hébreu et le syriaque ; certains disent que Mohamed lui aurait demandé d’apprendre l’hébreu et le syriaque ce qu’il aurait fait en quinze jours. Encore d’autres exposent que Zayd était juif, qu’il avait étudié dans l’école juive de Médine et qu’il avait porté les papillotes durant sa jeunesse


 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.