Evolution du rôle du messie – des juifs, aux chrétiens, aux nazaréens et aux musulmans
Alors que les peuples de l’antiquité se contentaient, par des sacrifices, de contenir le mal dans la société, surgit, avec l’idée de messie des zoroastriens puis des juifs, l’espoir d’un monde libéré du mal. Avec l’entrée du messie Jésus dans le monde, il apparait que ce salut du monde est à portée de main. Pour les chrétiens, vivifiés par le baptême, il s’agit d’une libération du mal sur soi-même, car la ligne de partage entre le bien et le mal passe au milieu des cœurs. Mais le messie a été trahi, et il ne reviendra qu’à la fin du monde.
En attendant, le monde reste donc sous l’emprise du mal, qui ne sera vaincu, par la troupe des anges, qu’au retour du messie. La première déformation amène à espérer que ce messie soit politique, un roi qui va éradiquer, dès ici-bas, les méchants qui ne suivent pas la loi de Moise. Ainsi la ligne de partage du bien et du mal passe maintenant entre les bons et les méchants.
Après la destruction en 70 du temple de Jérusalem par les romains (les byzantins) et l’émigration de groupes juifs au-delà du Jourdain, vers la Syrie, ces juifs nazaréens en viennent à projeter de reconstruire le temple pour provoquer le retour du messie et déclencher l’apocalypse, qui devrait alors éradiquer les méchants. ils côtoient des arabes, dont les qoréchites de Syrie ([1]), à qui ils font partager leurs espoirs messianiques. L’islam prétend que ces arabes sont polythéistes, mais en fait ils sont déjà monothéistes : le coran lui-même rapporte qu’ils croient en un dieu créateur (29 :61-63, 31 :26, 39 ;38), ce dieu est unique (106 :3), et ils disent ne rien lui associer (6 :23), le père de Mohamed est dit s’appeler Abdullah, montrant par là qu’Allah était déjà connu avant Mohamed, et que les qoréchites étaient déjà convertis au monothéisme..
Pour la nécessaire reconquête de Jérusalem, ils s’allient aux perses. Jérusalem est reconquise en 614, mais les perses en confient la garde aux juifs rabbiniques et les arabes et les nazaréens, devant les menaces du retour des romains, doivent bientôt s’enfuir vers Médine, c’est l’hégire (622).
Jérusalem enfin conquise par Omar en 638, le temple est immédiatement reconstruit, mais le messie ne revient pas, et c’est la source d’un grand désarroi. Devant cet échec de la perspective messianique, les arabes se décident à endosser complètement le rôle du messie et à s’engager, à tuer et à se faire tuer au nom de dieu pour éradiquer les impurs. Il s’agit maintenant d’imposer la vrai religion qui est la solution pour le salut du monde : l’islam, ne devant rien aux juifs ni aux chrétiens, et les nazaréens sont donc rejetés de Médine. La qibla change de Jérusalem vers une kaaba ancienne purement quorechite, en Syrie. Dans sa chronique, l’éveque Jacob d’Edesse (633-708) qui écrivait quelques dizaines d’années après la mort de Mohamed donne cette information importante : « Les Juifs qui vivent en Egypte, de même que les Mahgraye [ceux qui descendent d’Hagar, équivalent araméen de l’arabe muhajirun, ceux qui ont émigré (hijra)] là, comme je le vis de mes propres yeux et veux vous l’exposer maintenant, prient vers l’est, et ces deux peuples continuent à faire ainsi : les Juifs vers Jérusalem et les Mahgraye vers la Ka’ba … les Mahgraye qui sont en Babylonie prient vers l’ouest, vers la Ka’ba, et ceux qui sont au sud de la Ka’ba (…) prient vers le nord, vers ce lieu. Bref, de tout cela il est clair que ce n’est pas vers le sud que les juifs et les mahgraye d’ici dans les régions de Syrie prient, mais vers Jérusalem ou vers la Ka’ba, les lieux patriarcaux de leur race ». La ka’ba dont il parle n’est pas Jérusalem, il les distingue clairement, mais ce n’est pas non plus la Mecque puisque les gens de Babylonie qui prient vers cette ka’ba, prient vers l’ouest ! Dan Gibson identifie cette ka’ba patriarcale à Petra car les mosquées des 100 premières années (même la mosquée al aksa de Jérusalem) ne pointent ni vers Jérusalem ni vers la Mecque mais vers Petra. Voir https://youtu.be/iDk4iUlNpxI (la Mecque est elle le lieu de naissance de l’islam par Dan Gibson). (voir notre page la Mecque ou Pétra)
L’idéologie évolue encore : On est passé clairement du combat intérieur de l’âme au combat sur les sentiers de dieu contre les impurs. Vous êtes le camp du bien car dieu vous a choisi et vous a élevé au-dessus des autres hommes pour sauver le monde et le libérer des impurs par votre action sous la direction d’un calife, lieutenant de dieu sur terre. Ce que vous faites est bien si cela va dans le sens du projet et on ne peut tolérer les impurs qui vont à l’encontre du projet de la meilleure des communautés qui ordonne le bien et interdit le blâmable (3 :110). Les autres ordonnent le blâmable (24 :21) ils sont dans le camp du mal (4 :76) ils mécroient, et mécroire c’est être un allié du diable.
Le calife, lieutenant de dieu sur terre, prend le rôle du messie, dont le retour est renvoyé à la fin des temps. Il lui faut alors donner les justifications religieuses à la gestion de l’empire : c’est ainsi qu’est créé le livre saint, sa révélation par un prophète, un lieu saint la Mecque (d’où un nouveau changement de qibla 2 :143), et la figure de Jésus, le messie, devenu inutile, est peu à peu vidée de sa substance.
Mais qui va être légitime pour être le chef des croyants au nom de dieu ? s’ensuit une guerre civile incessante entre ceux revendiquant l’héritage du prophète, le livre, le lieu saint, …
Voir https://youtu.be/iHAFKRqFp0A par Odon Lafontaine
Voir notre page la crise eschatologique
Suite : une version du notre père
[1] La tradition nous apprend que Mohamed et ses compagnons avaient leur commerce et leurs propriétés agricoles en Syrie et en Palestine. Le coran le confirme en 37 :133-138 en affirmant qu’ils passaient matin et soir devant le tombeau de Loth. Plusieurs hadiths présentent Omar, et d’autres compagnons, commerçant en Syrie. Voir notre page de documents commerce en Syrie